Une histoire de limites

Une histoire de limites

En ce moment, certaines thématiques m’interpellent, et parmi elles, il y a celle des limites. J’ai l’impression que j’en entends parler assez souvent, ou peut-être que c’est moi qui tends un peu plus l’oreille dès que le sujet se présente, parce que ça me parle, tout simplement.

 

Il y a quelques temps je partageais sur ma page Facebook la vidéo de Et tout le monde s’en fout (qui visiblement m’inspire beaucoup !) sur cette même thématique.

 

Sauf qu’avec le corps, on a vraiment intérêt à y aller mollo mollo pour les repousse, nos limites. Ça ne vient qu’avec le temps. C’est une pratique pas à pas, une pratique régulière et disciplinée (Tapas) qui permettra de les repousser.

 

Mes limites, elles ne sont pas toujours faciles à cerner. Comment est-ce que j’identifie qu’elles sont là, ou que c’est autre chose qui me stoppe (la peur par exemple, notamment dans les extensions – les ouvertures de poitrine, où on peut être amené à partir en arrière, ce qui n’est pas très courant dans notre vie de tous les jours) ? La peur, c’est très bien, ça nous protège et nous évite de foncer tête baissée dans quelque chose de dangereux. Sauf que :

  1. La peur n’empêche pas la tuile d’arriver
  2. C’est bien aussi d’identifier si cette peur est rationnelle ou pas (par exemple, toujours pour les extensions, quand je pars en arrière, non, mon dos ne risque pas de se plier en deux dans le mauvais sens, car en fait, mon corps – le votre aussi hein – est vachement bien fait, il y a des muscles, des ligaments, des tendons, plein de trucs qui empêcheront tout ça de se produire 😉 ).

Bref, cerner ses limites, c’est encore une fois apprendre à se connaître (Svadhyaya).

 

Je pense que reconnaître ses limites et les intégrer dans sa pratique est une des choses les plus importantes sur son tapis, notamment pour ne pas se blesser, mais aussi pour apprendre à les respecter et pour cultiver Ahimsa(la non-violence, petit détour ici si besoin de se rafraîchir la mémoire 😉 ) envers soi. C’est un apprentissage qui commence en cours collectif et qui a encore plus d’importance lorsque l’on commence à dérouler son tapis seul·e et à pratiquer seul·e.

 

Elles nous permettent de nous responsabiliser dans notre pratique : on est responsable de ce que l’on fait sur notre tapis, de la manière dont on s’empare de la proposition faite par le ou la professeur·e. L’enseignant·e propose et l’élève dispose, c’est toujours elle ou lui qui a le dernier mot sur son corps, sur son acceptation ou son refus d’une posture ou d’un mouvement. Et pour moi, c’est primordial ! C’est une des choses les plus importantes que j’ai envie de transmettre. Même avec toute l’attention et l’empathie du monde, je ne peux jamais savoir ce que vous sentez dans votre corps. Et une posture qui vous fait mal – pas la sensation d’un étirement intense, mais la douleur brutale où on sent bien qu’il y a quelque chose qui passe mal – est une posture qui n’a pas sa place dans sa pratique du jour. Peut-être que ça sera pour la prochaine, ou pas.

 

Et ce n’est pas forcément facile ! De mettre de côté son ego, qui vous dit, « Mais si, tends les jambes, c’est comme ça qu’elle fait, elle! ». Ou « Mais si, attrape ton poignet derrière, ça passe, tu le faisais avant ! ». Est-ce que c’est facile de prendre du recul et de se dire, « Attends, pourquoi je fais ça, déjà ? ». Et quelles possibilités j’ai, en tant que prof, pour vous inviter sur ce chemin, si ce n’est de vous le répéter, répéter, répéter ? Quel impact j’ai, quand je vous montre les postures et que ben, oui, ça a parfois l’air tout facile, mais ça ne montre pas les heures de travail avant d’y parvenir ? Je vous invite souvent à vous écouter avant de m’écouter. Je propose et vous disposez. Je ne suis pas dans votre corps, et je ne pourrai jamais sentir vos propres sensations. Je peux projeter, peut-être, ou interpréter certaines grimaces, mais c’est tout. C’est votre effort, de rester en permanence à votre écoute, au moins pendant la séance.

Et si une des intentions qui vous accompagne dans votre pratique (dont je parle dans un autre post), c’était justement, de reconnaître et d’accueillir ses limites ?

 

Les limites nous aident à reconnaître notre corps actuel, pas celui d’hier, ni celui de dans quelques semaines ou mois. Le vrai corps, celui qui est réel, et celui avec lequel on bouge, c’est celui d’aujourd’hui ! Elles varient, d’un jour à l’autre. Et c’est intéressant de constater ces variations. Ça donne une autre dimension à sa pratique et ça invite à se maintenir en observation de son propre corps, de son propre soi en général.

 

Je vous invite donc à vous centrer sur vous. C’est vos limites. Cernez ce qui est bon pour vous et ce qui ne l’est pas. Et tâchez d’accepter que ça puisse différer d’un jour à l’autre. Ce n’est pas mieux ou moins bien d’aller plus ou moins loin dans une posture, l’important c’est votre ressenti, votre concentration, et votre présence sur le tapis.

 

Les limites, en fait, c’est un mixe de plusieurs yamas et niyamas (vous savez, ces principes de vie pour vivre en harmonie avec soi-même et les autres dont il est question dans les Yoga Sutra de Patanjali, un des textes fondateurs du yoga) : Ahimsa, avec l’idée que rester dans le cadre de ses limites permet de ne pas se faire mal, Satya, car en reconnaissant ses limites, on développe une pratique honnête avec nous-mêmes, svadhyaya, car identifier ses limites demande de se connaître, ou tout du moins de s’observer pour apprendre à se connaître, et santosha, en apprenant à faire avec, à créer du bonheur dans son corps d’aujourd’hui. C’est aussi Tapas, car les limites sont repoussées avec la pratique assidue et disciplinée. Et Aparighraha, qui nous invite à nous centrer sur nos limites, à nous, sans tenir compte de celles de notre voisin·e de tapis ou de la prof.

 

Et ce qui est génial c’est qu’apprendre à développer cette écoute pendant la séance vous permet de mieux vous écouter hors du tapis.

 

Et vous ? Comment vivez-vous vos limites ?