Petites réflexions très personnelles sur Santosa, le contentement
Ce billet est l’expression d’un point de vue personnel et n’a pas vocation à éclairer Santosa de manière objective. Et vous ? Qu’est-ce que vous en pensez ? Quels sont vos petites astuces ? N’hésitez pas à réagir dans les commentaires !
Santosa est le deuxième des Niyamas, qui sont, après les Yamas, une autre série de principes du code de vie des Yogi·ni·s pour être en harmonie avec soi. Petit rappel, les Yamas sont cinq principes de vie pour vivre en harmonie avec son entourage, humain, mais pas que 😉 Il y a Ahimsa (la non violence), Satya (la vérité), Asteya (le fait de ne pas voler), Bramacharya (la modération) et Aparigraha (le détachement). Pour ce qui est des Niyamas, nous avons donc Soucha (la pureté), Santosa, Tapas (la discipline), Svadhyaya (la connaissance de soi) et Isvara Pranidhana (le fait de s’en remettre à quelque chose qui nous dépasse).
Après Satya, Santosa est un de mes principes de vie yogiques préférés. Bon, c’est vrai, j’aime beaucoup Ahimsa également, et Aparigraha. Mais j’aurai pu appeler mon aventure « Om Santosa Yoga« , or c’est Satya qui, quand même, est mon number one. Cependant je crois que je ne suis pas la seule à apprécier Santosa car j’ai souvent vu des noms de cafés ou de restaurants qui portait son nom (notamment un où malheureusement, mon corps n’a pas trop été content de la nourriture et l’a rejetée toute la nuit… bref).
Qu’est-ce que c’est, Santosa ?
C’est traduit par le contentement, l’acceptation. Vaste programme
Il y a un sutra dédié à Santosa dans les Yoga Sutra de Patanjali et il dit ceci :
Santosat anuttamah sukhalabhah
Traduit par : Le bonheur suprême découle du contentement et d’une conscience bienveillante
En gros, le contentement, l’acceptation couplé à un positionnement bienveillant (envers les autres mais aussi – et surtout – envers nous-mêmes, rappelez-vous que les Niyamas sont des principes de vie pour être en harmonie avec soi-même) entraînent le bonheur. Eh oui, lorsque l’on cesse de désirer ce que l’on a pas et que l’on commence à accepter les situations telles qu’elles sont, ça facilite un peu le quotidien. Prenons un exemple basique. Je suis coincée dans les embouteillages et je vais arriver très en retard, du coup ça m’énerve, je suis en colère, j’aurai dû prendre l’autre route et ne pas écouter Waze, rhalala, j’aurai dû partir plus tôt, tout est de ma faute… Et… Stop. Oui, je vais être en retard parce que je suis coincée dans les bouchons, mais m’énerver ne va pas faire rouler la voiture plus vite. Ça va juste me coller une grosse migraine et au final, c’est à moi que ça va faire du mal. Pas à l’embouteillage. Alors de là à dire que cet embouteillage est là pour une bonne raison, je ne sais pas, qui sait d’ailleurs… Mais la seule chose sur laquelle je peux avoir un impact pour dépasser cette situation, c’est moi, et ma manière de l’appréhender. Je peux choisir de rester énervé·e, peut-être même que j’en ai envie, ok, soit, tant que je ne subis pas mes émotions ! Mais je peux aussi choisir de me détacher de cette colère, peut-être de la rationaliser, et de la laisser de côté, si je le souhaite. Et j’ai gagné un peu d’énergie pour rattraper mon retard en arrivant, peut-être.
Mais qu’est-ce qui me plaît tant dans Santosa ?
Pourtant je ne suis pas une optimiste à toute épreuve. Pas du tout. J’ai plutôt tendance à être réaliste, voire à envisager toutes les possibilités, même les plus catastrophiques pour y être préparée. Mais j’essaie de soigner ça. Pour moi, Santosa, ce n’est pas un optimisme à toute épreuve où on se dit que ça va aller, que c’est comme ça que ça doit se passer. A mes yeux (et ce n’est que mon point de vue personnel, lié à mon vécu, tout ça) cette démarche est un peu trop violente car je pense que cela revient à nier ses émotions. Et je suis intimement persuadée qu’elles ont besoin d’être vécues avant de les dépasser. J’ai besoin de les apprivoiser, de vivre avec plutôt que de les laisser de côté et de faire comme si elles n’existaient pas.
Je préfère le prendre sous l’angle de l’acceptation. Plutôt pas toujours facile. J’apprécie l’idée de prendre conscience que la colère (si c’est cette émotion qui nous touche à ce moment) n’atteint que nous, ne fera du mal qu’à nous même. Cela me fait penser à une citation de Bouddha Siddharta Gautama que j’ai vu plusieurs fois passer sur mon mur Facebook : « Rester en colère, c’est comme saisir un charbon ardent avec l’intention de le jeter sur quelqu’un : c’est vous qui vous brûlez. » Mais encore une fois, il ne s’agit pas de nier ses émotions. Juste de les accepter.
Mais du coup, est-ce que ça veut dire que je dois tout accepter ? C’est pas possible parfois quand même !
C’est pour ça que j’aime beaucoup Santosa. Il me bouscule un peu, dans mon caractère.
Je suis une personne plutôt critique. Je vais toujours tout remettre en question, aller chercher la petite bête, et je suis une personne engagée. Je suis viscéralement engagée pour certaines causes, et j’ai, par conséquent, du mal à me contenter des statuts quo. Pas simple dans notre monde de demi-mesures ou de mesurettes de communication. Difficile de se contenter de ça et de l’accepter.
Et pourtant, j’essaie d’appliquer ça au quotidien. Dans les petits riens qui peuvent m’énerver mais aussi dans les grandes causes qui me tiennent à cœur. Et il y en a plein pour lesquelles ce n’est pas évident ! J’ai compris que la seule chose que je peux maîtriser, pour laquelle je peux décider, c’est moi. Je peux choisir de me contenter de la situation, de me détacher de ce qui me met en colère, pour agir, et c’est là qu’est le point. L’action. Car à quoi ça sert de rester en colère si ma colère ne change rien, si elle n’est pas un moteur pour mon action. Je pense que la plupart des émotions sont des invitations à l’action. Que ce soit la colère, la tristesse, la peur. Si je suis triste c’est que quelque chose ne me convient pas, et je peux faire le choix soit de continuer à subir cette tristesse, soit de la dépasser et de changer mon point de vue à ce niveau là, et éventuellement mettre des actions en place pour avancer. Que ce soit pour les décisions des autres – au niveau interindividuel ou plus largement au niveau sociétal – les événements tragiques qui nous arrivent ou qui arrivent à notre entourage, on ne peut rien y faire, rien changer. On peut juste décider de la manière dont on va le vivre. Et une fois qu’on a pris conscience de ça, on peut éventuellement passer à l’action derrière.
Alors je ne dis pas que c’est facile, que cela se fait en un claquement de doigts, et qu’il suffit de le vouloir pour que ça arrive. Il y a des épreuves dans la vie qui demandent beaucoup de temps pour que l’on puisse accepter. On peut avoir envie d’être en colère, d’être triste, parce qu’on ressent le besoin de vivre ces émotions là sur le moment. Encore une fois, c’est un choix. Mais je pense que ça peut aider. Ça ne ramène pas la personne que l’on a perdue, ça ne change pas le comportement des personnes qui nous entourent, mais ça peut nous aider à mieux vivre tout ça, mieux l’accepter, et un jour à (re)trouver ce contentement.
Comment est-ce qu’on peut appliquer Santosa sur le tapis ?
On essaye de s’accepter. En ce moment, mes bras sont un peu fatigués. Je sens que mon poignet gauche me demande de ralentir et que mon coude gauche tiraille. Je pourrai me sentir frustrée dans ma pratique, et pester contre mon corps. Ou je peux accepter cette pause, ralentir le rythme des Chaturanga, pratiquer moins d’équilibres sur les mains pour explorer d’autres postures. Travailler l’ouverture de ma poitrine, la force et la souplesse de mon dos, en profiter pour avoir une pratique plus lente, plus douce, pour remettre en question mes habitudes.
C’est aussi accepter que mon corps n’est pas prêt à faire certaines postures. Que Vrchikasana (le scorpion) attendra, Eka pada raja kapotanasana (le pigeon royal à une patte) aussi. Après tout, je me fais du bien, c’est l’essentiel. C’est également se rappeler que le plus important dans les Asanas, ce n’est pas la posture finale, mais le chemin que l’on prend pour y arriver.
Santosa sur le tapis, c’est aussi essayer de se détacher de l’attachement à la posture, qui reste un attachement pour trouver sa pratique. Explorer les postures. Prendre le temps de tester : qu’est-ce que ça fait si je relâche mes épaules en Adho Mukha Svanasana ? Si je joue un peu avec mon bassin pour m’installer dans la posture ? Et observer les modifications que cela implique dans notre confort et notre stabilité.
C’est enfin (re)trouver un confort dans sa pratique, dans les postures. Se rappeler que l’on est content·e d’être là, sur son tapis. Qu’en Adho Mukha – ou tout autre posture – je me sens bien, confortable, étirée. Scanner son corps et en trouver la – ou les – parties où ça fait du bien. Rechercher la douceur, le confort et la stabilité dans la posture si on a une pratique posturale, et se laisser le temps pour la relaxation, les pranayama, la méditation.
Et dans le quotidien ?
Dans le quotidien, c’est aussi observer un peu plus les « heureux hasards » que l’on va vivre tout au long de son parcours et en prendre conscience. J’essaie de prendre le temps de remarquer les petits plus de l’univers, ces « heureux hasards », c’est comme ça que je les vois, et le côté un peu magique que l’on remet dans tout ça. Ça remet un peu de magie dans le quotidien. Des chercheurs en sciences cognitives ont montré que les expériences négatives s’impriment beaucoup plus en nous que les positives. Qui n’a jamais eu envie d’accélérer le temps pour passer plus rapidement sur une période qui nous pèse ? Cette semaine est difficile, vivement ce week-end, vivement dans un mois, c’est les vacances, qu’est-ce qu’il fait froid, vivement l’été, vivement l’année prochaine… Et on se ferme ainsi à tous les petits riens que remettent du positif dans notre vie. Et question ancrage dans le présent, au secours. Pour moi, c’est une sonnette d’alarme, un appel au changement. Si je ne suis pas capable de trouver quelque chose qui me convient dans le présent, au point de vouloir accélérer le temps, c’est que quelque chose cloche, et qu’il va falloir agir. Sur soi-même pour commencer, ou plus largement si on en ressent le besoin.
Pour vous aider à remettre du contentement dans votre quotidien, vous pouvez, si vous le souhaitez, essayer d’incorporer une petite routine. Peu importe le moment, le matin en vous réveillant, le soir en vous couchant, pendant votre pause cigarette, à la fin de votre Savasana si vous pratiquez plusieurs fois par semaine, essayez de lister, mentalement, un certain nombre de choses pour lesquelles vous êtes content·e. Ça peut être tout et n’importe quoi : la nouvelle recette de cookies que vous avez testée et qui est trop trop bonne, les transports qui se sont bien enchaînés hier, vos futures vacances et le plaisir que vous prenez à les planifier, vos relations, ou juste le fait d’avoir pris du temps pour vous…
Prenez juste le temps pour vous focaliser sur les expériences positives et ainsi les ancrer un peu plus dans votre quotidien. Ne vous mettez pas la pression. Ce sont des choses qui, comme tout en yoga, viennent avec la pratique.
Namaste 💜