Une histoire de périnée

Une histoire de périnée

Avant de débuter cette exploration, je tiens à préciser que, comme toujours en yoga, il y a souvent différentes interprétations en fonction des lignées. L’anatomie, et l’objet qui nous intéresse aujourd’hui, ne font pas exception à cela. Ce que vous lirez ici sera donc peut-être différent de ce que vous avez déjà entendu sur le sujet. Cela ne remet en aucun cas en question la véracité de ce que vous savez déjà, mais apporte juste un autre point de vue.

Dans mon plan de cours (celui que j’ai dans tête pour l’année), j’avais prévu de centrer les séances d’avril autour du bassin. C’était un prétexte pour aborder un groupe musculaire dont on connaît le nom, mais pas tellement plus (surtout si on n’a jamais accouché). Le périnée. Comme dirait une des formatrices que j’ai eue sur le sujet : « Le périnée, c’est pipi, caca, et le sexe. Alors c’est peut-être pour ça que c’est tabou ».

Comme les séances d’avril sont bien parties pour avoir lieu en mai, je me suis dit que j’allais vous donner des devoirs à la maison (de la lecture au moins) pour que vous soyez prêt.e.s lorsqu’on se retrouvera 😉

Petit point anatomique pour commencer

L’idée n’est pas de vous décrire tous les muscles et de vous donner leur noms, mais que vous puissiez avoir une vue d’ensemble et une idée de leurs attaches, ce qui facilitera – je l’espère – la compréhension et l’appropriation de votre périnée.

Le périnée est un ensemble de muscles qui ferment le bassin. Si l’on regarde le bassin d’en dessous, les os forment une sorte de losange entre le pubis (en avant), les ischions (les os des fesses dont je parle souvent pendant les séances) sur les côtés et le coccyx (en arrière). C’est notamment à ces os que les différents muscles qui composent le périnée sont attachés. Ce losange se divise en deux triangles (oui, ici, on fait aussi de la géométrie) : le périnée antérieur, qui entoure l’urètre et le vagin (pour les personnes qui en ont un) et le périnée postérieur, qui entoure l’anus. Contracter ou relâcher le périnée à donc un impact sur la contraction ou le relâchement de ces différents orifices.

Certains muscles sont en surface (c’est le périnée superficiel), assez proches de la peau et d’autres plus en profondeur (périnée profond) et vont avoir des attaches au niveau du sacrum notamment.

En pratique

Pour activer votre périnée, vous pouvez :
– Chercher à rapprocher les deux ischions l’un de l’autre
– Chercher à rapprocher le coccyx du pubis – ou le pubis de coccyx
– Imaginer que vous cherchez à vous retenir d’uriner ou d’aller à la selle

Chacune de ces propositions fait travailler un muscle ou un groupe de muscles particulier(s) de votre périnée, donc n’hésitez pas à les alterner l’une après l’autre.

Au début, les premières fois que vous allez chercher à activer votre périnée, vous allez certainement sentir que les muscles des fesses se contractent, que vos abdominaux se contractent eux aussi. Et ce sera normal. Au fur et à mesure, la finesse de la sensation va se développer. Même si, dans la plupart des cas, le corps s’en sort bien sans qu’on y pense, gardez en tête que le périnée est un ensemble de muscles, et que comme tout muscle, il a besoin d’être sollicité et travaillé. Comme tout muscle, plus on le sollicite, plus ça devient facile de le solliciter.

Dans la vie : périnée, respiration et mouvements quotidiens

Le périnée, c’est notre deuxième diaphragme. C’est « le plancher de la maison du souffle ». L’expression est de Blandine Calais Germain, une anatomiste spécialisée dans l’étude du corps en mouvement dont je vous recommande les ouvrages si vous souhaitez creuser la question.

Notre « maison du souffle » est composée de deux niveaux : la chambre d’en haut, la cage thoracique, et celle d’en bas, l’abdomen, qui est fermé par le bassin et donc le périnée. Lorsque l’on respire, le diaphragme, en remontant (à l’expiration) ou s’abaissant (à l’inspiration) fait monter ou descendre la pression dans l’abdomen, et donc sur le périnée. C’est d’ailleurs pour cela que, quand on relâche le ventre, il se gonfle sur l’inspiration : en descendant, le diaphragme pousse la masse viscérale de l’abdomen, qui reflue en avant.

Essayez de sentir ce qui se passe, en bas de votre bassin, lorsque :
– Vous inspirez en relâchant le ventre
– Vous inspirez en gardant la sangle abdominale engagée, en essayant de limiter l’expansion de la cage thoracique.

Peut-être que vous sentez plus de pression sur le bas du bassin dans le deuxième cas. Il s’agit de votre périnée. Imaginez un tube de dentifrice, bouché en haut, et qu’on presserait au milieu. Cela créé de la pression en bas.

Dans la plupart des cas (excepté pour les femmes enceintes, en post-partum, ou certains cas spécifiques d’atonie du périnée), le périnée a un tonus suffisant pour supporter cette pression.

D’après Bernadette de Gasquet, la papesse du périnée en France, un périnée activé agit comme une sorte de gaine pour l’articulation du bassin (qui est composé de plusieurs os, articulé entre eux). Pour les personnes qui ont une mobilité accrue dans cette partie du corps – les femmes enceintes notamment – activer le périnée dans certains mouvements permet de favoriser le maintien du bassin et de soulager des douleurs. Si c’est votre cas, pensez-y la prochaine fois que vous passerez l’aspirateur (oui, passer l’aspirateur peut être source de douleur pour les personnes ayant une mobilité accrue du bassin) ! Elle recommande également d’activer le périnée chaque fois que la pression est accrue dessus : lorsque l’on éternue, que l’on tousse, que l’on va soulever quelque chose de lourd, que l’on saute au trampoline (en vérité, elle déconseille formellement le trampoline, qui est d’après elle, une autoroute vers les fuites urinaires). Pas de panique si vous ne le faites pas à chaque fois.

Périnée et yoga : en pratique sur le tapis

Pour assouplir un muscle ou un groupe musculaire, il a besoin d’activation, d’étirement et de relâchement.

Dans nos séances de yoga, et plus particulièrement en séance de yoga prénatal ou maman-bébé, je vous fais travailler le périnée en vous proposant de l’activer en expirant, en même temps que l’on ramène le nombril vers la colonne vertébrale puis de le relâcher en inspirant, en même temps que l’on relâche le ventre. Ainsi, les diaphragmes d’en haut et d’en bas – respiratoire et pelvien – sont accordés : en inspirant ils descendent tous les deux, en expirant ils remontent tous les deux. Cela permet de s’approprier le travail corporel dans cette partie du corps, tout en limitant la pression sur le périnée, mais aussi de travailler à la fois dans la contraction et le relâchement.

Comme je le disais plus haut, hors cas spécifiques, le tonus du périnée est fait pour supporter la pression lors de nos mouvements et de nos postures. Pas d’inquiétude donc, si pour le moment, vous ne vous sentez pas à l’aise avec le fait de l’activer sur le tapis. Cependant, au fur et à mesure, on peut l’intégrer dans nos pratiques posturales et respiratoires.

On peut le soutenir et le renforcer – ou le conscientiser – en cherchant à l’activer légèrement dès lors que l’on cherche à garder notre sangle abdominale active lors d’une séance de yoga postural.

Ou l’activer dans certaines postures où l’on sent qu’il a besoin d’un peu d’aide pour supporter la pression : en Durgasana (déesse) par exemple, ou toutes autres postures accroupies avec les cuisses écartées, les retours d’inversions, les torsions, ou de manière générale, les postures où la sangle abdominale est active.

Ou le garder actif durant toute la séance – comme en Ashtanga Vinyasa yoga – pour sécuriser son bassin et s’assurer un bon maintien. Encore une fois, pas de panique si ce n’est pas le cas.

Je voulais aussi vous parler une bonne fois pour toutes d’un bon gros tabou des cours de yoga : les pets vaginaux lors des inversions. Cela arrive à tout le monde, et pour plein de raisons différentes. Des raisons hormonales, des raisons de tonicité du périnée. Généralement, c’est un signe que l’on est bien alignée. Je sais que cela génère de la gêne, parfois beaucoup. C’est peut-être même une raison pour ne pas faire d’inversion dans les cours collectifs. Sachez que ça arrive à tout le monde, en tout cas à toute personne dotée d’un vagin. Que cela n’a rien de sale. Et qu’en cours de yoga, certaines convenances sociales – ici celle de ne pas faire de bruit avec certaines parties de son corps – n’ont pas à besoin respectées.

Périnée et Mula Bandha

Vous avez peut-être déjà entendu parler des Bandha et de Mula Bandha plus particulièrement.
Les bandhas font partie des pratiques du Yoga mais on manque souvent de temps pour les aborder lors des séances. Je les considère comme des pratiques avancées.

Dans la philosophie du yoga, les bandhas sont des verrous qui empêchent l’énergie vitale – le Prana – de s’échapper du corps. Il y en a trois principaux : Jalandhara Bandha, au niveau de la gorge, Uddiyana Bandha, au niveau de l’abdomen et Mula Bandha,au niveau du périnée.

Dans certaines pratiques, comme l’Ashtanga Vinyasa Yoga, on les garde actifs tout au long de la pratique posturale : on active le périnée (Mula Bandha), la sangle abdominale (Uddiyana Bandha) et la respiration Uddjayi pour Jalandhara Bandha (une légère contraction dans la gorge). De cette manière, l’énergie est conservée à l’intérieur du corps (et vous remarquerez qu’il y a une cohérence avec ce que je vous racontais plus tôt d’un point de vue anatomique : abdos engagés = périnée engagé pour le soutenir).

L’idée principale ici est d’amener à l’éveil spirituel en redirigeant le prana vers la Sushumna – principal nadi (canal énergétique) qui part de la base de la colonne, donc au niveau de Mula Bandha, et traverse chacun des sept principaux chakras.

Mula Bandha (Mula signifie racine en sanskrit) est relié aux deux premiers chakras : Muladhara et Swadisthana Chakra. Ils représentent pour le premier l’instinct de survie et pour le second la créativité et la sexualité. Travailler Mula Bandha permet de travailler autour de ces deux chakras par ricochets.

Parler de Mula Bandha et non de périnée est plus qu’un exotisme de vocabulaire. Cela inscrit le travail corporel dans une dimension spirituelle, qui parlera à certain.e.s et qui en rebutera d’autres. Chacun.e est libre de prendre ce qui lui convient et de garder le reste dans un coin, pour éventuellement y revenir plus tard, lorsque l’on se sentira prêt.e… ou pas.

J’espère que ce long article vous aura permis d’y voir plus clair et de mieux cerner votre périnée 🙂

Je suis bien sûr à l’écoute de toutes vos questions.

Namaste

Cindy 💜

 

Pour aller plus loin :
Le périnée féminin et l’accouchement, de Blandine Calais Germain aux éditions Désiris
Périnée, arrêtons le massacre, de Bernadette de Gasquet, aux éditions Marabout
Asana Pranayama Mudra Bandha de Swami Satyananda Saraswati, aux éditions Bihar School of Yoga
Hatha Yoga Pradipika de Swami Satyananda et Swami Muktibodhananda, aux éditions Satyanandashram